CPE – Vie scolaire

9ème Edito 28/08/2023: École, lieu du vivre ensemble républicain

Quand le verbe ne suffit plus a exprimer sa colère ou sa peur

Le 27 juin 2023, Nahel se faisait tuer à bout portant par un policier suite à un contrôle de police avec refus d’obtempérer. Cet évènement dramatique a embrasé et clivé la France à tous les niveaux de la société pendant plusieurs semaines : que ce soit dans la rue avec les violences urbaines emmenées par une jeunesse en colère, à l’Assemblée nationale où les débats entre la gauche et la droite ont fait rage, dans les journaux avec son lot d’analyses et de punchlines, ou simplement dans le cadre d’un repas entre amis ou en famille où chacun a pu y aller de son commentaire enflammé soutenu par des images piochées sur les réseaux sociaux.

Je n’essaierai pas ici d’établir une quelconque analyse sociopolitique de cette situation. Cependant, deux faits m’ont interpelée dans ce mouvement de violences urbaines en tant que CPE :

  1. Il a gagné toutes les villes de France : pas seulement les grandes métropoles comme c’est généralement le cas dans ce genre de situation, mais également les petites villes de province où de nombreux heurts, dégâts et autres pillages ont eu lieu à la stupéfaction des autorités locales.
  2. 60% des jeunes interpelés étaient inconnus des services de police. Il s’agissait donc d’un public jusqu’ici sans histoire, n’ayant pas de casier judiciaire, qui a décelé dans cet évènement un moyen malheureux de s’exprimer.

Il ne s’agit donc plus seulement d’un mouvement de contestation contre les violences policières visant à démontrer le racisme dont feraient preuve certains représentants des forces de l’ordre mais plus généralement de la colère d’une génération tournée contre la République mais aussi et surtout contre elle-même.

Selon Marshall Rosenberg, psychologue américain ayant développé la communication non violente, « la violence est l’expression maladroite et tragique de besoins non satisfaits ». Depuis le confinement et les restrictions sanitaires qui ont suivies, qui ont tout de même été des moments d’une violence psychologique sidérante, nous avons tous constaté un mal-être croissant chez nosélèves.Pour moi, ce mal-être traduit des émotions mal, peu ou pas exprimées. Cette paralysie émotionnelle trouve alors des moyens exutoires tournés vers le jeune lui-même (consommation d’alcool, de produits stupéfiants, de médicaments, automutilations, etc.) ou vers l’Autre qu’il soit un pair ou un adulte (harcèlement, violence verbale et/ou physique, dégradations, etc.). Le vivre-ensemble et le contrat socio-républicain qui en découle n’est plus évident pour certains jeunes.

Notre autorité académique adonc axé son projet [1] dans le sens d’une excellence inclusive visant à lutter contre cette souffrance en faisant de l’Ecole le lieu permettant à tous de trouver sa voie, quelle que soit les difficultés cognitives ou sociales de chacun, grâce à l’acquisition progressive de compétences psychosociales favorisant des choix éclairés que ce soit en termes d’orientation, de socialisation ou de santé grâce au soutien de l’Autre. Je pense que la coéducation et les relations solides que nous avons établies avec nos partenaires ne seront jamais plus au cœur de nos préoccupations qu’en cette nouvelle année scolaire.

Aurélie HERCOUET, CPE


[1]Projet académique 2022-2025 : pour une excellence inclusive | Académie de Lille