L’engagement des élèves
Au premier tour de la Présidentielle 2022, 41% des 18-25 ans n’ont pas voté selon une enquête Ifop et Ipsos Sopra Steria. Le sociologue Olivier GALLAND l’explique par le fait que « Ce qui caractérise la jeunesse, c’est la désaffiliation politique : 55 % des jeunes interrogés ne se sentent proches d’aucun parti. Pour autant, ils se disent concernés par l’écologie, les violences faites aux femmes, le terrorisme ou les inégalités. Mais cela ne se traduit pas sous une forme politique. »[1]
Oserais-je faire un raccourci entre ce début d’analyse de l’engagement politique et citoyen de la jeunesse française avec ce que nous constatons dans nos établissements scolaires ? La question mérite d’être posée.
Notre pari d’engager les jeunes sur des problématiques sociales, humanitaires, culturelles et sportives afin d’en faire des citoyens sensibles au monde et soucieux du vivre ensemble, est réussi. Les élèves s’investissent en effet volontiers dans les différentes formes d’engagement proposées par les équipes Vie Scolaire que ce soit dans le cadre d’actions ponctuelles liées au CESCE, de la vie collégienne/lycéenne ou encore pédagogiques. Il suffit de simplement de voir la solidarité spontanée qui s’est mise en place au moment de l’invasion russe de l’Ukraine. Nous ne comptons plus les marques d’affection, l’accueil fait aux familles expatriées en France que nos collégiens et lycéens ont exprimé naturellement au travers de leur engagement dans de nombreuses actions solidaires.
Cependant, cet activisme n’est pas « politique », si tant est que l’on puisse utiliser cette formule dans le cadre scolaire. Je m’explique. L’engagement citoyen tel que nous le constatons n’est pas systémique ni organisé mais plutôt spontané. Il émane de l’enthousiasme et de la sensibilité qu’ont les adolescents pour les causes qui leur semblent justes et nobles, et qui, souvent, sont relayés sur les réseaux sociaux. Cependant cet engouement reste ponctuel et ne dure jamais longtemps. Comme pour tout le reste, nos adolescents scrollent[2] et passent à autre chose… Il existe pourtant une fonction permettant une implication sur le long terme : les délégués. Or, nous nous évertuons chaque année à recruter des candidats pour avoir notre quota d’élus et de suppléants par classe ou dans les CVC et CVL. Nous peinons tellement que le cumul des mandats et le rappel des élus des années précédentes est monnaie courante. Beaucoup de facteurs psychosociaux sont ici en cause. Le statut de délégué rebute en effet car il demande de l’effort, de l’assertivité, de la confiance en soi, de la prise d’initiatives et de responsabilités ; toutes ces compétences en construction encore fragiles à l’adolescence et qui peuvent être mises à mal tant le regard et l’opinion des pairs sont primordiaux à cet âge.
En guise de conclusion, je me permets de vous livrer quelques réflexions personnelles sur le rôle du délégué tel que nous le faisons vivre, et qui mériterait d’être interrogé pour le rendre plus attractif et en phase avec son époque. Cela ne demande pas de remettre en cause les grandes lignes des missions des délégués mais ne pourrait-on pas valoriser davantage la démocratie participative ? Ne pourrait-on pas innover dans l’organisation des élections ? Ne pourrait-on pas envisager d’appeler autrement les délégués ?
Aurélie HERCOUET, CPE
[1] In Les Echos – Présidentielle : « Le taux d’abstention chez les jeunes restera élevé au second tour » – Marie-Christine Corbier, interview publiée le 14/04/2022 Présidentielle : « Le taux d’abstention chez les jeunes restera élevé au second tour » | Les Echos
[2] De l’anglais « scroll » (parchemin) : terme utilisé en informatique pour qualifier l’action de dérouler les pages internet en les faisant défiler avec le pouce sur le smartphone ou la roulette de la souris sur l’ordinateur.